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CLAUDINE À L’ÉCOLE

mon entrée dans le monde, et mille gaffes en même temps… Comment me passer de la campagne, avec cette faim de verdure qui ne me quitte guère ? Ça me paraît insensé de songer que je ne viendrai plus ici, que je ne verrai plus Mademoiselle, sa petite Aimée aux yeux d’or, plus Marie la toquée, plus Anaïs la rosse, plus Luce, gourmande de coups et de caresses… j’aurai du chagrin de ne plus vivre ici… Et puis, pendant que j’ai le temps, je peux bien me dire quelque chose : c’est que Luce me plaît, au fond, plus que je ne veux me l’avouer ; j’ai beau me répéter son peu de beauté vraie, sa câlinerie animale et traîtresse, la fourberie de ses yeux, n’empêche qu’elle possède un charme à elle, d’étrangeté, de faiblesse, de perversité encore naïve, — et la peau blanche, et les mains fines au bout des bras ronds, et les pieds mignons. Mais jamais, elle n’en saura rien ! Elle pâtit à cause de sa sœur que Mlle Sergent m’a enlevée de vive force. Plutôt que de lui rien avouer, je m’arracherais la langue !

Sous les noisetiers, Anaïs décrit à Luce sa robe de demain ; je me rapproche, en veine de mauvaiseté, et j’entends :

— Le col ? Il n’y en a pas, de col ! C’est ouvert en V devant et derrière, entouré d’une chicorée de mousseline de soie et fermé par un chou de ruban rouge…

— « Les choux rouges, dits choux frisés, de-