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Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, I.djvu/173

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le combat.

toutes les espérances s’effondrent, le sentiment national s’affaisse. La peur s’empare des esprits et, par sa force expansive gagnant les plus énergiques, achève d’énerver, de paralyser tous les muscles de la nation. Alors que l’union seule pourrait apporter quelque remède à la situation, alors qu’au plus vite il faudrait aviser aux mesures nouvelles qu’elle réclame, tous les efforts s’arrêtent, chacun laisse tomber les bras, et l’armée sans encouragement et sans appui, reste abandonnée à la fortune contraire. Selon le cas et le caractère de la nation, le phénomène peut, il est vrai, présenter plus ou moins d’intensité, mais jamais il ne manque complètement.

3. Quant à l’influence qu’une grande victoire exerce sur la marche consécutive d’une guerre, elle dépend en partie du caractère et du talent du général victorieux, mais plus encore des rapports d’où la guerre est sortie, et de ceux dans lesquels elle se poursuit. Il est clair, en effet, que sans hardiesse et sans esprit d’entreprise la plus brillante victoire ne peut produire de grands résultats ; mais, en outre, plus les rapports auxquels un général en chef est originairement soumis sont restreints, et moins il est en situation de poursuivre et d’étendre un succès. C’est ainsi par exemple, qu’à la place de Daun, Frédéric le Grand eût tiré un tout autre parti de la victoire de Collin, et que la France eût pu donner de bien plus grandes suites que la Prusse à la bataille de Leuthen.

Nous verrons plus tard quelles sont les conditions qui permettent de tirer le maximum des résultats qu’une grande victoire peut produire, et par conséquent quelles peuvent être les causes de la disproportion qui se présente souvent entre la grandeur et les suites d’une victoire, disproportion que l’on est généralement trop porté à n’attribuer qu’au manque d’énergie du vain-