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chap. xiv. — de l’alimentation des troupes.

aujourd’hui incomparablement moins considérables qu’autrefois et ne servent plus guère, en somme, qu’à reporter d’un jour sur l’autre le surplus de la consommation d’une journée. Cependant, dans quelques campagnes récentes où la guerre a revêtu un caractère absolument particulier, comme par exemple en Russie en 1812, on a encore dû recourir à un service de train énorme et faire suivre l’armée de tout un système de manutention et de fours de campagne, mais on peut regarder comme certain que cela ne se reproduira que très exceptionnellement à l’avenir. Quand se présentera-t-il en effet un nouvel exemple d’une marche d’invasion de 130 milles (960 kilomètres = 240 lieues) exécutée à peu près exclusivement sur une seule et même route par une armée de 300 000 hommes, à travers des contrées aussi peu productives et aussi peu peuplées que la Pologne et la Russie, et cela précisément peu de temps avant que les moissons fussent mûres, de sorte que les récoltes, si faibles qu’elles fussent déjà, ne purent servir que très passagèrement à la nourriture des troupes ! D’ailleurs quelque nombreux qu’aient été les équipages de transport dans ces campagnes exceptionnelles, on n’a eu recours à ce système que parce que l’on ne pouvait absolument faire autrement, et nullement en renonçant de parti pris à regarder l’approvisionnement direct sur le pays, toutes les fois qu’il est réalisable, comme la base rationnelle du service des subsistances en campagne.

C’est au début des guerres de la Révolution que les Français adoptèrent le principe de faire ainsi vivre leurs armées au moyen de réquisitions frappées sur les pays occupés. Les puissances alliées qui leur étaient opposées furent par suite entraînées à faire l’application du même système, et l’on ne peut que difficilement supposer que l’on revienne désormais à l’ancienne ma-