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de la stratégie en général.

haute Silésie, et gagna, du coup, une avance de quatre semaines sur ses adversaires. Lorsqu’on étudie le fait dans les historiens sérieux (Tempelhof, le vétéran, le grand Frédéric), tout contredit ce raisonnement à la mode, et l’on voit qu’au lieu d’accorder une si grande importance à la marche forcée du 22 juillet, il convient d’attribuer la majeure partie de l’avance ainsi gagnée par le Roi à la quantité de mouvements insuffisamment motivés que Laudon, cédant à l’engouement de l’époque pour les manœuvres, fit exécuter à ses troupes. On ne saurait donc s’en tenir à de pareilles assertions lorsque l’on a soif de persuasion et de vérité.

Une activité soutenue, de promptes résolutions, de longues marches rapidement exécutées sont les moyens auxquels on a naturellement recours lorsqu’on se propose, au courant d’une campagne, de tirer le plus grand parti du principe de la surprise, et cependant l’exemple des deux plus grands maîtres en cet art prouve qu’alors même qu’ils ont été appliqués avec le plus d’énergie, ces moyens n’ont pas toujours produit l’effet qu’on s’en promettait. En 1760 Frédéric le Grand quitte subitement Bauzen, tombe sur Lasoy et se dirige sur Dresde, et, par cet effort, ne fait qu’aggraver sa situation, car, pendant l’opération, Glatz tombe aux mains de l’ennemi. Bonaparte pareillement ne fit que donner des coups d’épée dans l’eau, lorsqu’en 1813, sans même parler de son irruption de la haute Lusace en Bohême, deux fois il quitta Dresde pour se jeter sur Blücher. Dans l’un comme dans l’autre cas, il ne perdit que du temps, et laissa la ville de Dresde exposée aux plus sérieux danger.

Certes, une grande activité, beaucoup de résolution, des marches rapides constituent d’excellents éléments de surprise ; mais, en général, pour conduire à de grands résultats, l’opération doit, en outre, être favori-