1813 et 1814, si l’on fait entrer dans le calcul tout ce qui d’une façon ou de l’autre prit part à ces deux campagnes, l’Allemagne et la Russie purent enfin opposer un million d’hommes environ à la France.
Dès lors la guerre gagna beaucoup en énergie et, bien que du côté des Alliés cette énergie n’atteignit qu’en partie celle des Français et que, çà et là, on montrât encore de l’hésitation, les nouvelles campagnes furent du moins conduites avec bien plus de vigueur que les précédentes. En huit mois le théâtre de guerre fut transporté de l’Oder à la Seine, et, pour la première fois, l’orgueilleux Paris et le formidable Bonaparte durent courber la tête et se soumettre.
C’est ainsi que depuis Bonaparte, chez les Français d’abord puis partout en Europe, la guerre devint un intérêt national et, changeant de nature ou pour mieux dire revenant à sa vraie nature, se rapprocha beaucoup de son concept absolu. Les moyens à y mettre en œuvre n’eurent plus désormais de limites déterminées et ne dépendirent plus que de l’énergie et de l’enthousiasme des gouvernements et des peuples. L’étendue des ressources, la grandeur des résultats à atteindre et l’exaltation des esprits imprimèrent une extrême vigueur à l’action. Le renversement de l’adversaire devint le but unique de la lutte et, la guerre une fois commencée, on ne s’arrêta plus pour traiter qu’après avoir réduit l’ennemi à l’impuissance.
Délivrée de toute entrave de convention par la participation du peuple à ce grand intérêt des États, la guerre revêtit enfin sa forme naturelle et se montra dans toute sa force, phénomène qu’il convient d’attribuer en partie aux changements intérieurs que la Révolution française introduisit dans les nations et en partie aux dangers dont le peuple français menaçait les autres peuples.