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Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/129

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propre à me perſuader qu’à m’irriter, lui fit ſigne de ſe taire. Alors prenant la parole, il me dit qu’il partageoit bien ſincérement mon affliction ; que ma jeuneſſe & ma beauté méritoient un meilleur ſort ; qu’il reſſentoit depuis longtems une violente paſſion pour moi ; mais que, connoiſſant mes engagemens ſecrets avec un autre, il les avoit reſpectés aux dépens de ſon repos, juſqu’à ce que la nouvelle de mon déſaſtre, en réveillant ſon reſpectueux amour, l’avoit enhardi à venir m’offrir ſes ſervices, & que la ſeule faveur qu’il exigeât de moi, étoit que je daignaſſe les agréer. Tandis qu’il me parloit ainſi, j’eus le tems de l’examiner. Il me parut un homme d’environ quarante ans, aſſez bien bâti & d’une figure qui n’annonçoit pas une perſonne d’un rang médiocre. Je ne lui répondis qu’en verſant un torrent de larmes, & ce fut un bonheur pour moi que mes ſanglots étoufaſſent ma voix, car je ne ſavois que lui dire.