Aller au contenu

Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 97 )

créé le meſſager de nos correſpondances. Je m’étois apperçue qu’à travers ſon reſpect & ſa timide innocence, le tempérament perçoit. Ses yeux, naturellement laſcifs, enflammés par une paſſion dont il ignoroit le principe, parloient en ſa faveur le plus élégamment du monde, ſans qu’il s’en doutât. Pour exécuter mon deſſein, je le faiſois entrer lorſque j’étois encore au lit, ou lorſque j’en ſortois, lui laiſſant voir, comme par mégarde, tantôt ma gorge nue, tantôt la tournure de la jambe, quelquefois un peu de ma cuiſſe en mettant mes jarretieres. En un mot, je l’apprivoiſois petit à petit par mes familiarités. “ Eh bien, mon garçon, (lui demandois-je,) as-tu une maîtreſſe ?… Eſt-elle plus jolie que moi ?… Sentirois-tu de l’amour pour une perſonne qui me reſſembleroit ?”. Et ainſi du reſte. Le pauvre enfant répondoit d’un ton niais & honnête ſelon mes deſirs.