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Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/269

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rappeller à ma mémoire) un ſoir que je retournois de chez lui, remplie du deſir de la chair, je rencontrai en tournant la rue, un jeune matelot. J’étois miſe de maniere à ne point être accrochée par des gens de ſa ſorte ; il me parla néanmoins, & me jettant la main autour du col, il me baiſa avec tranſport. Je fus fâchée au commencement de ſa façon d’agir ; mais l’ayant regardé, & voyant qu’il étoit d’une figure qui promettoit quelque vigueur, d’ailleurs bien fait & fort proprement mis, je finis par lui demander avec douceur ce qu’il vouloit ? Il me répondit franchement, qu’il vouloit me régaler d’un verre de vin. Il eſt certain, que ſi j’avois été dans une ſituation plus tranquille, je l’aurois refuſé avec hauteur : mais la chair parloit, & la curioſité d’éprouver ſa force, & de me voir traitée comme une coureuſe de rue, me fit réſoudre à le ſuivre. Il me prit donc ſous le bras & me conduiſit familiérement dans la premiere Taverne, où l’on nous donna une petite