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Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/271

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çai à craindre les ſuites funeſtes que cette connoiſſance pouvoit me coûter, & je tâchai en conſéquence de me retirer le plutôt poſſible. Mais mon inconnu n’en jugea pas ainſi : il me propoſa d’un air ſi déterminé de ſouper avec lui, que je ne ſçus comment me tirer de ſes mains. Je tins pourtant bonne contenance, & promis de revenir dès que j’aurois fait une commiſſion preſſante chez moi. Le bon matelot qui me prenoit pour une fille publique, me crut ſur ma parole, & m’attendit ſans doute au ſouper qu’il avoit commandé pour nous deux.

Lorſque j’eus conté mon aventure à Madame Cole, elle me gronda de mon indiſcrétion, & me remontra le ſouvenir douloureux qu’elle pourroit me valoir ; me conſeillant de ne pas ouvrir ainſi les cuiſſes au premier venu. Je goûtai fort ſa morale, & fus même inquiéte pendant quelques jours ſur ma ſanté.