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Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/272

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Heureuſement mes craintes ſe trouverent mal-fondées, mon cher marin ne m’ayant laiſſé aucune trace d’infection maligne ; c’eſt pourquoi je repare ici le tort que j’avois fait à ſa mémoire.

J’avois vécu quatre mois avec Mr. Norbert, paſſant mes jours dans des plaiſirs variés chez Madame Cole, & dans des ſoins aſſidus pour mon entrepreneur, qui me payoit graſſement les complaiſances que j’avois pour lui ; & qui fut ſi ſatisfait de moi, qu’il ne voulut jamais chercher d’autre amuſement. J’avois ſçu lui inſpirer une telle œconomie dans ſes plaiſirs, & modérer ſes paſſions, de façon qu’il commençoit à devenir plus délicat dans la jouiſſance, & à reprendre une vigueur & une ſanté qu’il ſembloit avoir perdu pour jamais : ce qui lui avoit rempli le cœur d’une ſi vive reconnoiſſance, qu’il étoit prêt de faire ma fortune, lorſque le ſort écarta le bonheur qui m’attendoit.