Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/44

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font naître, je réaliſai mes tranſports de la veille.

Je m’éveillai le matin à dix heures, très-gaie & parfaitement rétablie de mes fatigues. Madame Brown entra comme nous ſortions du lit : je tremblois qu’elle ne me grondât de m’être levée ſi tard ; mais tout au contraire, elle me mangea de careſſes, & me dit les choſes du monde les plus flatteuſes. Après quoi on ſe mit à m’équiper promptement pour me faire paroître avec décence devant un des chalands de la maiſon, qui attendoit déja que je fuſſe viſible. Je puis dire, ſans vanité, que, malgré tous les ſoins que l’on prit à me parer, la nature faiſoit mon plus grand ornement. J’étois d’une taille avantageuſe & faite au tour ; j’avois les cheveux noirs, la peau d’un blanc à éblouïr, les traits du viſage réguliers ; j’avois de grands yeux bleus pleins de feu ; ma gorge étoit parfaite ; en un mot, je faiſois un morceau de roi.