Page:Cleland - La Fille de joie (éd. 1786).djvu/94

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à la diſcrétion de mon nouveau Souverain ; crainte où l’amour avoit plus de part que la pudeur. Je ſouhaitois, je brûlois d’impatience de me trouver ſeule avec lui, je ſerois morte pour lui plaire, & pourtant je ne ſais comment, ni pourquoi, je craignois le point capital de mes plus ardens deſirs. Ce conflit de paſſions différentes, ce combat entre l’amour & la modeſtie, me firent pleurer de nouveau. Dieux, que de pareilles ſituations ſont intéreſſantes pour de vrais amans !

Après le déjeuné, Charles, (c’étoit le nom du précieux objet de mes adorations,) avec un ſouris myſtérieux, me prit par la main, & me dit qu’il me vouloit montrer une chambre, d’où l’on découvroit la plus belle vue du monde. Je me laiſſai conduire dans un appartement, dont le premier meuble qui me frappa, fut un lit qu’il ſembloit qu’on eût garni pour une Reine.