Page:Clemenceau-Demosthene-1926.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
DÉMOSTHÈNE

de mentalité obscure, dont la capitale, Pella, n’était pas beaucoup mieux qu’un gros village, ne peut s’expliquer que par des à-coups de mouvements hasardeux. J’y verrais volontiers l’un de ces phénomènes d’improvisation asiatique où une puissance explosive d’imagination, soutenue d’une énergie qu’aucune cruauté n’arrête, nous donne des Mahmoud, des Baber, des Gengis Khan, un Mithridate même, contenu par les données de son temps. Philippe me paraît être de cette race, et les folies d’Alexandre ne peuvent que nous confirmer dans cette vue. Comme c’est la loi de partout et de toujours, l’or, acquis par le pillage, prépare et consolide les conquêtes du fer en attendant celles de l’idée.

Par les perfidies systématiques où l’Asie aime à se répandre, Philippe est à jamais fameux. Milieu différent, circonstances modifiées : même fond d’humanité barbare, qui ne peut concevoir le grand que dans l’implacable brutalité. La nouveauté est que Philippe, élevé dans Thèbes en qualité de prisonnier, a subi le charme de cette Grèce qu’il flagelle, qu’il meurtrit sans pitié ! Il a rapporté de l’école le respect instinctif d’une culture hellénique contre laquelle sa « phalange macédonienne » ne saurait prévaloir. Il cherche des séductions pour une conquête morale qui lui échappe par Démosthène. Alexandre, au plus fort