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Page:Clemenceau-Demosthene-1926.djvu/27

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DÉMOSTHÈNE

cet effet, un curieux couplet de Sainte-Beuve[1] sur les modulations infinies de la langue grecque, où l’excès de l’éloge ouvre le champ à la critique de dilutions de sensibilités trop étrangères à des retours d’une condensation d’énergies. Le fameux Rien de trop s’applique aussi bien aux épanouissements d’art qu’à tous autres développements d’activités humaines. Notre Renaissance l’a fait voir après que notre Naissance hellénique l’eut fait apparaître. Abus d’idéalisme, excès de sauvageries. Un peuple d’esthètes commencera la construction de ses palais par le toit. Écoutez cette diatribe d’admiration qui fait si bien comprendre, à l’insu de l’auteur, comment l’armature se brise à vouloir trop l’affiner :

Savoir le grec, ce n’est pas, comme on pourrait se l’imaginer, comprendre le sens des auteurs, de certains auteurs, en gros, vaille que vaille (ce qui est déjà beaucoup) et les traduire à peu près. Savoir le grec, c’est la chose du monde la plus rare et la plus difficile — j’en puis parler pour l’avoir tenté maintes fois et y avoir toujours échoué. C’est comprendre, non pas seulement les mots, mais toutes les formes de la langue la plus complète, la plus savante, la plus nuancée, en distinguer les dialectes, les âges, en sentir le ton et l’accent — cette accentuation variable et mobile sans l’entente de laquelle on reste plus ou moins barbare. C’est avoir la tête assez

  1. Article sur M. Boissonade.