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DÉMOSTHÈNE

ferme pour saisir chez les auteurs, tels qu’un Thucydide, le jeu de groupes entiers d’expressions qui n’en font qu’une seule dans la phrase et qui se comportent et se gouvernent comme un seul mot. C’est, tout en embrassant l’ensemble du discours, jouir à chaque instant de ces contrastes continuels et de ces ingénieuses symétries qui en opposent et en balancent les membres. C’est ne pas rester indifférent, non plus, à l’intention, à la signification légère de cette quantité de particules intraduisibles, mais non pas insaisissables, qui parsèment le dialogue et qui lui donnent, avec un air de laisser-aller, toute sa finesse, son ironie et sa grâce…[1].

Même si nous ne voulons voir qu’une fleur d’atticisme dans l’ingéniosité de ces raffinements, il demeure que les hommes qui s’oublient en de trop savantes gracilités de langage n’affrontent pas d’un suffisant effort les chocs de la conquête étrangère. La vie est belle de ses chants, mais il faut avoir un effort à chanter. C’est ce que les peuples artistes ne comprennent qu’insuffisamment. L’heure impérieuse vient trop tôt qui demande d’un coup le sacrifice complet de tout l’être, faute de quoi la victoire elle-même se résoudrait en un échelonnement de régressions continues. Le dévouement, dans sa grandeur, veut un esprit robuste dans un corps robuste, pour un don du plus beau de soi-même exclusif des dilapidations d’énergies. La

  1. Il y en a, comme cela, une grande demi-page encore.