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DÉMOSTHÈNE

Philippe et Démosthène, voilà les deux antagonistes dont le succès ou la défaite va décider du cours hésitant de l’histoire. Les drames du fer contre l’idéalisme de la conscience humaine exprimé par l’organe d’un peuple de pensée fière mais d’action vacillante. Deux héroïsmes irréductibles, dignes de s’affronter sous le ciel. L’épopée les demande, les dresse l’un contre l’autre en représentation symbolique de l’homme au combat contre lui-même pour l’apothéose ou l’effondrement de sa propre destinée.

Philippe, asiatiquement dissolu, mais obstiné, persévérant, est de ces génies batailleurs qu’aucun scrupule ne retient, qu’aucun obstacle ne détourne de ses voies, — compréhensif peut-être, puisque touché d’hellénisme, mais imperturbablement volontaire, ramassé pour l’action. Après avoir vaguement écouté Aristote, Alexandre lui-même demeure tout de mouvements contradictoires. Ne faut-il pas, pour l’action, la rupture d’équilibre mental qui déclenche toutes les énergies ? Sur la juste mesure du phénomène, la discussion ne sera jamais close. Perfidies, trahisons, coups d’audace militaires, toutes les formes de la corruption, rien n’est étranger à Philippe des moyens qui sont l’ordinaire monnaie du métier de conquérant. « Aucune citadelle n’est imprenable, aime-t-il à dire, si l’on y peut faire entrer un mulet chargé d’or. »