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DÉMOSTHÈNE

Pas plus d’illusions sur autrui que sur lui-même. Pour dominer les hommes, les avilir, quand le problème serait de s’étayer de part et d’autre pour se hausser mutuellement. Une généralisation. d’abaissement moral à établir, sans correspondance possible avec l’hallucination d’une marche à l’idéal.

A travers tout cela, la vaillance effrénée d’un soldat enivré des gestes de la guerre. « L’œil crevé, l’épaule fracassée, la cuisse et la main transpercées, jetant à la fortune tout ce qu’elle pouvait lui demander de lui-même, pourvu qu’avec le reste il vécût puissant et glorieux. » C’est Démosthène lui-même qui rend cet hommage à Philippe et, si l’on doit en croire Lucien, Philippe lui-même n’est pas moins prompt à honorer emphatiquement son mortel ennemi. D’Antipater, en personne, nous en viendrait le témoignage. D’Antipater qui, après Cranon, envoyait saisir Démosthène par ses soldats, à la bienveillance desquels il ne paraît pas l’avoir recommandé. Il est plus facile de rendre justice. à l’ennemi mort que de célébrer ses grandeurs quand il se présente lance en avant. Lucien nous montre plutôt Antipater dans l’emphase de son rôle.

Le talent oratoire de Démosthène n’obtint que la seconde place dans mon estime. Je n’y voyais qu’un instrument. Ce fut Démosthène lui-même que je ne cessai