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DÉMOSTHÈNE

d’admirer. Ce fut sa grandeur d’âme, sa prudence, la fermeté inflexible de son caractère qui, dans les tempêtes de la fortune, gardait la ligne qu’il s’était tracée et ne cédait à aucun revers.

Invoquant ses souvenirs, Antipater, toujours au rapport de Lucien, nous montre Philippe lui-même défendant Démosthène contre les invectives de Parménion :

C’est le seul qui ne soit pas inscrit au registre de mes dépenses… Celui qui fait éclater sa haine contre moi en faveur de sa patrie, je lui déclare la guerre, je l’attaque comme une citadelle, comme un rempart, un arsenal, un retranchement, mais j’admire sa vertu, et je porte envie au bonheur de la ville qui possède un tel citoyen… Si le seul Démosthène n’était pas dans Athènes, je prendrais cette ville avec plus de facilité que je n’en ai trouvé à subjuguer les Thessaliens et les Thébains. La ruse, la force, la surprise et l’argent m’en ouvriraient bientôt les portes. Mais cet homme, quoique seul, veille pour sa patrie. Toujours prêt à saisir les occasions favorables, il suit, il éclaire toutes mes démarches, il fait face à mes armées… C’est l’obstacle qui nous arrête, c’est le rempart qui couvre la Grèce et qui m’empêche de la conquérir tout entière d’une seule campagne… Il réveille malgré eux ses concitoyens endormis comme par une mandragore. Loin de chercher à les flatter, il semble, par la liberté de ses reproches, employer le fer et le feu pour les tirer de leur apathie. Il change la destination des fonds publics et fait appliquer à l’entretien des armées les revenus consacrés aux spectacles. Il relève la marine… Il ranime le courage