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DÉMOSTHÈNE

belles pages que celles où les deux combattants s’arrêtent en pleine mêlée, à la façon des héros d’Homère, pour s’honorer l’un l’autre, — grands du don total d’eux-mêmes au service d’un idéal qui les entraîne et les brise dans les tourments de l’humanité.

Le peuple athénien décernant une couronne à Pausanias, l’assassin de Philippe, et Démosthène lui-même, malgré la mort récente de sa fille, se montrant couronné de fleurs à la nouvelle de l’événement, témoignent d’une absence de sérénité. La passion du combat et surtout la nature de l’enjeu fournissaient de valables excuses. Philippe ne mettait que sa personne au jeu : Démosthène, la capitale de l’Hellénisme, et, par elle, les plus belles chances d’une civilisation entrevue.

Le désavantage de l’Athénien est de se trouver dans l’obligation de convaincre la foule, au jour le jour, avant de passer à l’action, tandis que le Macédonien, juge souverain, décide et réalise tout d’un trait. L’entourage de l’un est là pour commander en dernier ressort ; de l’autre, pour obéir à tout moment. Un perpétuel bouillonnement de cratère en cette Pnyx sous le regard de la Déesse dont la lance jetait des éclairs jusqu’à l’Acro-Corinthe. Un auditoire insaisissable, agité de toutes les passions, bonnes et mauvaises, prêt à tous les changements de front dans les sursauts