Page:Clemenceau-Demosthene-1926.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
DÉMOSTHÈNE

saire en cas d’accident ! On a tôt reconnu qu’il n’y a qu’une raison qui vaille : la volonté du plus fort.

Athénien, orateur, Démosthène met tout son espoir dans la puissance de sa parole, parce que, sa parole, c’est lui. Il n’est pas né, comme Eschine, avec une supériorité de dons oratoires. Il a peut-être une technique. Il ne la laisse pas voir. La force qui l’emporte de haute lutte sur toutes les autres est dans l’inébranlable résolution d’une conscience qui veut et fait parce qu’elle croit. Athènes, aussi, veut croire, mais elle est trop mobile, et surtout trop éprise des rythmes et des sonorités de la voix pour n’y pas céder à tous moments. La ville par excellence, où l’on parle la vie dans l’ambition de la penser. Les Ioniens aux longs cheveux y affluent pour des roucoulements de philosophie. De l’Acropole aux jardins d’Academos, au lit même de l’Ilissos, c’était une fête de paroles, où tous les artistes de la vie chantée mettaient le plus beau de leurs joies. Par un de ces clairs de lune qui font honte au soleil, vous pouvez entendre, encore aujourd’hui, un discret bruissement de voix animer la place publique pour l’unique plaisir d’une modulation d’harmonie, comme un ruisseau chantant aux cailloux de ses rives. Car nos Athéniens de ce jour même n’ont pas de plus grand plaisir que de passer la nuit en des jeux de paroles