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DÉMOSTHÈNE

taires des fastueux monarques de l’Orient. Quand Hérodote, pour nous éblouir du nombre des envahisseurs, nous raconte que les soldats de Xerxès desséchaient les fleuves en les buvant au passage, il faut bien faire la part de l’imagination. Les cent soixante-douze Athéniens, inhumés au tertre subsistant de Marathon, nous invitent à distinguer la légende de l’histoire, trop souvent confondues. Toujours est-il que le Mède, à deux reprises, a fui devant Athènes à qui revient l’honneur d’avoir, en ces jours, sauvé la fortune de notre civilisation.

L’Athénien, jusque dans les affreux désastres de Sicile, s’est montré parfois de la plus remarquable endurance. Il a stoïquement supporté la cruelle épreuve des latomies. Mais la patrie n’en aura pas moins besoin d’être aussi courageusement servie dans la paix que dans la guerre, et si la paix fait fleurir les délices de l’Agora, du théâtre ou de l’Académie, elle exige surtout une laborieuse dépense de vertus civiques moins communes que l’acte d’héroïsme qui jette le soldat à la mort. Il est plus facile de donner sa vie, c’est-à-dire de se sacrifier totalement d’un coup, que de se dévouer, dans l’obscurité de la paix, en des roidissements de caractère, en des aménagements douloureux de soi-même, dont la récompense sera le plus souvent l’outrage et la calomnie.