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DÉMOSTHÈNE

Non, ce n’est pas assez pour un peuple d’avoir montré le plus beau courage dans la guerre. La vie sociale dans la paix veut encore des manifestations d’héroïsme du plus haut prix, puisqu’elles impliquent des successions d’efforts inglorieux dans tous les domaines de l’activité individuelle et sociale, tandis que le combat se contente d’un sacrifice total dans l’éclair d’un élan de volonté. Tous les peuples ont trouvé des sursauts de combativité aux heures douloureuses des grands conflits de leur histoire. Les émotivités guerrières appellent alors des jaillissements d’héroïsme dont on a fait le tissu des annales de la vie publique, au détriment des efforts continus qui sont là trame obscure des développements de la paix.

Comme l’a candidement avoué Bernhardi, la guerre et la paix ne s’opposent, en direction d’un même but, que par des différences de moyens. Si l’on doit espérer que le progrès des temps amène de plus longues durées de paix que de guerre, les mauvaises chances d’une nation fléchissante ne pourront que s’aggraver, aussi longtemps qu’elle ne réussira pas à muer, à fondre le tumulte de ses énergies de guerre en énergies réglées du temps de paix. La victoire militaire est d’un moment qu’il faut savoir saisir pour l’installer et la continuer dans la paix. Que les coordinations nécessaires viennent à faire défaut, pour quelque