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DÉMOSTHÈNE

raison que ce soit, l’avantage d’un jour ne se pourra poursuivre, — si haut qu’on l’ait clamé. Les morts auront légué aux vivants une tâche que ceux-ci se seront trouvés hors d’état d’accomplir. L’histoire d’Athènes ne l’a que trop clairement fait voir.

Qu’il y ait de bons et de mauvais serviteurs de la patrie, cela est et sera de tous les temps, de tous les pays. Mais que l’immense masse des moyennes flottantes se laisse déborder, à ses propres dépens, par la ruée des moindres contre la dispersion des hautes volontés dont l’union ferait le salut de l’idée, voilà le pire malheur. Difficulté d’accoutumer d’insuffisantes cultures morales aux sacrifices du présent qui conditionnent les libérations de l’avenir. Démosthène, rhéteur professionnel, flattant les foules et ménageant les forts, eût vécu dans l’estime de ceux qui le livrèrent aux soldats d’Antipater. Il a voulu. Il a osé. Il a sauvé Athènes de l’ignominie défaitiste. La calomnie, la mort, furent de ces rémunérations dont les grandes âmes n’ont pas la faiblesse de s’étonner. Désastreuse victoire des impuissants accommodés d’avance au fait du jour, qui ne craignent rien tant que la fatigue de vouloir avant d’avoir tenté. Les coalitions de lâchetés qui s’opposaient ouvertement à Démosthène à la suite de Phocion, ou, hypocritement, derrière Eschine et sa bande,