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DÉMOSTHÈNE

devaient faire pencher l’assentiment public au hasard des émotivités de rencontre. C’est le mal des démocraties plus promptes aux formules séduisantes qu’aux fixations de réalités. L’indépendance d’Athènes aurait voulu la continuité de l’effort. Il ne lui manque rien qu’une permanence de volonté.

Les esprits simplistes ont pu ne considérer dans Démosthène que les ressources de son éloquence. Eschine, cependant, l’égalait en art, s’il ne le dépassait pas. Pour l’action, la foule, avec ses qualités d’inspirations oblitérées de trop de méprises, cherche moins un parleur qu’un homme, vraiment homme, où se prendre. Athènes sentit, aux grands jours, que, dans le monstre dénoncé par Eschine, elle l’avait trouvé. Qui sait si la plus haute puissance oratoire ne serait pas d’une abjuration d’esthétique ? Car ce n’est pas à l’art du discours qu’il en faut mesurer l’efficacité. L’orateur saisit l’assemblée moins par la qualité positive de ses arguments, réservés aux plaisirs des commentateurs, que par la sensation de la somme de lui-même qu’il engage au combat.

La bonne flèche du bon arc voudra que l’archer vise haut. Cependant, qui veut, avant tout, emporter le vote d’une assemblée doit se résoudre à baisser l’argument. Moyennant quoi, la foule se donnera parfois pour un jour, si elle sent que celui