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DÉMOSTHÈNE

oligarchie déchue, Phocion n’avait pas de plus grand plaisir que de dire son mépris à la foule qui ne se lassait pas de le nommer stratège sans le consulter. Éloquent, incorruptible, en permanente défaillance d’idéal, et insuffisant dans l’action, il fut pour Démosthène l’implacable critique de toute heure, « la hache » de ses discours. Une longue vie d’activités contradictoires, une sérénité railleuse à l’heure de la ciguë.

Le sort de Démosthène fut de réunir contre lui, outre l’effort des plus redoutables adversaires, les violences d’une aristocratie dégénérée, avec les défiances de cette démocratie qu’il s’agissait de mettre en œuvre malgré l’or et les intrigues de Philippe. Tour à tour enflammée d’un beau zèle pour la chose publique, ou bientôt résignée aux dégradations de l’asservissement, la foule se prodiguait d’heure en heure, — incapable de se fixer. Et, pour tout achever, voici la trahison de l’oracle. « La Pythie philippise. » Les Dieux eux-mêmes se laissent entraîner contre Démosthène. Soit donc. Contre les Dieux eux-mêmes, il soutiendra l’effort de la journée.

Les forces sont en présence. A l’action maintenant. Ce n’est pas que l’action elle-même ait