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Page:Clemenceau-Demosthene-1926.djvu/58

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DÉMOSTHÈNE

aspirations vont expirer dans l’impuissance de faire, l’homme de la Destinée se rencontre chez Démosthène qui sentit, qui vécut, qui voulut l’Hellade plus qu’aucun autre Hellène, et qui l’aurait sauvée si elle y avait consenti. A Rome, plus tard, les reprises d’une discipline de volontés, — pour quelles suites de défaillances et de recommencements !

Cette qualité d’impulsion supérieure qui fait la valeur efficace de l’idée fut présisément celle qui caractérisa Démosthène, et qui, en l’opposant à ses concitoyens velléitaires, mit le sceau à la tragédie de sa destinée. Toute sa vie profonde, source de ses activités publiques, fut d’une réaction continue contre les dispositions instinctives de ses concitoyens. Il veillait quand, pour s’oublier eux-mêmes aux fêtes, aux théâtres, ils oubliaient l’ennemi aux aguets. Il veillait, il dénonçait leur indolence, il leur faisait honte d’allier de si belles paroles à tant de manquements, — toujours prêts à miser sur l’hypothétique effort du lendemain pour négliger l’acte urgent d’aujourd’hui. Il fallait répondre, à Eschine, de ressources toujours prêtes, à Phocion, implacable railleur, à Eubule, un honnête bourgeois fastueusement faible et, pour cela même, généralement estimé, à Démade, d’une incomparable fougue oratoire, à Philocrate versatile, et si, de fortune, le puissant orateur emportait le vote