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Page:Clemenceau-Demosthene-1926.djvu/77

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DÉMOSTHÈNE

devant Athènes par Eschine, l’agent macédonien. J’ai voulu qu’il prît la parole pour lui-même dans le plein événement de sa destinée, sous les accusations de son plus perfide ennemi, devant le peuple athénien, son juge. La pleine lumière, sur ses conseils, sur son action, à l’heure critique de la grande tragédie, quand les Athéniens, déconcertés par le coup de foudre de Philippe s’emparant d’Élatée, ne s’accordaient que pour hésiter, quand pas un orateur, pas un général, pas un soldat n’osaient prendre la parole pour ouvrir un avis, seul, Démosthène se lève à l’appel, sans réponse, du héraut : « Qui veut parler pour la patrie ? »

Dans le désarroi des âmes et des cœurs — l’agent de Philippe n’osant pas même suggérer l’acte de lâcheté suprême que beaucoup se laisseraient imposer — Démosthène a vu, Démosthène a dit, Démosthène a décidé. Il se porte, de sa personne, au plus vif de l’action. Vous pouvez prendre la mesure de l’orateur, du chef d’ambassade, du politique, de l’homme tout entier. Quand chacun se dérobe dans le silence de la terreur, il arpente la scène, tête haute, voix sonore, geste impérieux. Il ramasse les volontés éparses en des faisceaux de métal acéré. Il commande au lieu de proposer. Et toutes ces inerties, et toutes ces nolontés se dressent à l’appel du cuivre sonnant à l’héroïsme