l’autre moitié. Tout le reste s’ensuit avec un luxe de fantasmagories inconnues de l’Hébreu.
À noter que la création du monde n’est pas ici l’effet d’un caprice divin, car elle eut besoin, pour se produire, que « la durée de la dissolution fût accomplie ». Il y a donc une loi préexistante, qui doit reprendre le Brahma né de l’œuf, avec le monde lui-même, quand le cycle de notre univers sera révolu. De cet univers « en dissolution » était née d’abord la conscience, ou le « Soi », puis le monde extérieur encadrant l’homme — issu des différentes parties du corps de Brahma, selon le rang de sa caste — puis Manou, « créateur de notre univers », c’est-à-dire « de toutes les qualités de vies depuis les saints personnages jusqu’aux génies malfaisants eux-mêmes. »
On peut dire que la cosmogonie morale et sociale emplit tout le livre des Lois de Manou, commençant par ces mots que redira l’Évangile : « L’amour de soi-même n’est pas louable ! », avec cette addition, ignorée du christianisme, qu’il faut remplir les devoirs d’altruisme prescrits, « sans avoir pour mobile l’attente de la récompense », — supériorité notable sur notre chrétien dont le principal objet est d’une rémunération éternelle pour un moment de bonne volonté. Car Manou, dans ses paroles surhumaines, met « les pratiques morales » au-dessus des récompenses — offrant, pour idéal suprême, la satisfaction intérieure. Réfléchissez là-dessus, s’il est en votre pouvoir, ô chrétiens excellents dont le zèle naïf ne se propose l’accomplissement des « bonnes œuvres » que pour gagner les mornes félicités d’un inexprimable « paradis ».
On voit que la cosmogonie du Rig-Véda est d’un affinement supérieur à celle de Manou, bien que celui-ci ne cesse de se réclamer du livre sacré. C’est que l’ordre des transmissions doctrinales n’est pas nécessairement l’ordre où sont apparues les cosmogonies successives. Il n’est pas certain que Manou ait exclusivement puisé aux sources du Véda. Nous ignorons les origines, écrites ou mnémotechniques, de son information. Pour commencer, « le monde imperceptible, dépourvu de tout attribut distinct, ne pouvait ni être découvert par le raisonnement, ni révélé : il semblait être entièrement livré au sommeil ». Tout était donc à construire. Il construit tout.
Une autre forme de cosmogonie védique est celle de l’Aitereya