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AU SOIR DE LA PENSÉE

l’hypothèse vérifiable, en attendant la connaissance vérifiée. C’est toute une atmosphère plus ou moins pénétrable à mi-chemin de l’expérience et de l’imagination, dans laquelle nous devons prendre garde de ne pas nous égarer. L’avancement du connaître est assez beau, depuis le temps, tout proche, où notre Médicis, en sa tour encore subsistante à Paris, attendait que son astrologue, par l’observation de Mars et de Vénus, la fixât sur sa propre destinée.

Dans le domaine de l’énergie solaire, la découverte du radium a totalement troublé nos points de vue. Il ne peut être question encore de préjuger le rôle de la radio-activité dans la combustion de l’astre maître de nos destinées. Cependant, on ne peut négliger l’accès d’un si large horizon. Pour Rutherford, d’une haute autorité en la matière, une masse de radium a besoin de mille ans pour se réduire de moitié, — développant un million de calories par gramme et par année : 250 000 fois plus que la combustion d’un gramme de carbone. Vous pensez si l’on en profite pour ajouter à l’éventuelle durée de notre planète des alignements de zéros.

Laissons les comètes à leurs fantaisies, trop souvent imprévues, et abordons, de sens rassis, le problème des nébuleuses, dans la mesure où notre lanterne magique des corps célestes nous permet d’en parler. Moins on sait, bien souvent, et plus volontiers l’on se hasarde à dire. C’est un peu l’aventure de notre nébuleuse, depuis que l’imagination réglée de Kant et de Laplace, en quête de positivité cosmique, a demandé aux aspects changeants de ses mystérieuses lueurs le secret des transformations de l’univers.

La nébuleuse, brouillard de lumière, longtemps n’attira pas les yeux de l’astronome courant à la flamme, comme le papillon de nuit. Puis, quand on se fut dûment brûlé les ailes, on s’avisa que les clartés d’espaces luminescents, avec des signes de mouvements, pouvaient offrir la clef d’interprétations conduisant la matière cosmique (dans l’évolution de ses énergies) de l’infinie dispersion des masses, à peine cohérentes, jusqu’aux condensations de l’étoile, du soleil, et de la planète subséquente où le passage d’une conscience humaine attendait son jour.

Herschell, à lui seul, découvrit plus de deux mille nébuleuses. Jusque-là, l’astronome n’avait pris note que de quelques unités.