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l’évolution

des coordinations organiques dont elle est l’effet. Nécessité de rétablir l’homme pensant à sa place objective dans la série des êtres d’une conscience échelonnée selon les dispositions d’organismes communs progressivement développés. Dans ce domaine de déterminations suggestives, d’où l’effort séculaire des humains avait été d’exclure l’organisme de la pensée, rejetée dans le surnaturel, la loi de l’évolution ne se fit jour qu’au moment où la comparaison ne put être évitée, non plus seulement des pièces mortes de la paléontologie inductivement interprétées, mais des complexités d’organes en activités de coordinations.

Combien de fois, au cours de ces remarques, ai-je fait appel à l’institution expérimentale d’une psychologie comparée ! Ce n’est pas que les travaux de cet ordre aient été négligés. L’Allemagne, et l’Amérique surtout, possèdent à cet égard une abondante littérature où les problèmes de tout ordre ont été systématiquement abordés par des observateurs qui n’ont reculé ni devant les théories, ni devant des interprétations précipitées. Cette critique ne leur est point ennemie. On ne débroussaille point les inextricables fourrés de la jungle selon des alignements à la Lenôtre. Il faut bien que le jour vienne de l’observation positive des rapports — mais au prix de quelles difficultés !

Une évolution des réflexes de « sensibilités » révélées dans le règne végétal par la cellule, et même dès le règne minéral par la cristallisation, se manifeste d’abord aux enchaînements des premiers organes. Avant comme après l’apparition du neurone et du premier plasma de sensibilité plus ou moins consciente, l’évolution poursuit son cours, jusqu’aux plexus de l’organisme encéphalo-rachidien de l’homme pensant. Il se comprend sans peine que nous n’en soyons, depuis Lamarck, qu’aux premiers aperçus. Nous n’en admirerons pas moins l’effort prodigieux d’investigation géniale qui nous a déjà permis de jalonner la route ardue. Il nous faudra surtout démétaphysiquer notre psychologie classique trop souvent retenue dans les liens des abstractions réalisées, triomphant, comme j’ai déjà dit, par la vertu du moindre effort. Après combien de siècles des plus âpres labeurs, une science positive de l’évolution mentale pourra-t-elle enfin s’instituer ? Au même titre que toute autre