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l’évolution

Cela est purement impossible. Il n’est pas à nier que l’organisme cérébro-rachidien, accompagné de ses plexus, règle le fonctionnement de tous les autres. Et si nous considérons, en même temps, qu’il en dérive, et que cerveau, rachis, plexus ne vont point sans les jointures organiques qui assurent leurs liaisons, comment abandonner tout à coup la méthode expérimentale dans le cas d’un organe déterminé ? L’homme, l’homme tout entier, doit-il être rangé dans l’ordre des phénomènes de la vie organique, c’est-à-dire dans les développements de la biologie ? Ou bien faut-il créer a son intention un ordre de vie d’un caractère composite, — animal par les organes, suranimal par nous ne savons quoi — entreprise ou les plus belles intelligences se sont vainement épuisées.

Depuis des millénaires, la malfaisance de gens bien intentionnés s’y emploie, sans avoir jamais réussi qu’à dire sans vérifier. L’heure devait venir, et paraît venue, où, après avoir constaté toutes similitudes organiques dans tous les échelons de la série vivante, d’intrépides observateurs vont s’attacher aux liens irréductibles de toutes les fonctions biologiques, pour tenter de remonter plus haut dans les voies de l’évolution. Ne voyons-nous pas ces phénomènes, dits d’ordre psychique, plonger, par leurs racines, jusque dans les profondeurs de notre sensibilité, et se trouver communs à des séries d’existences vivantes qui nous sont organiquement apparentées ? Quoi de plus naturel que de nous décider enfin a l’étude organique de l’homme intégral ? C’est de ce besoin incoercible que sont issues les premières investigations d’une psychologie comparée dont les premières conquêtes déjà commencent de s’imposer.

La psychologie comparée a contre elle le plus résistant des préjugés ataviques, fortifié par des mots intangibles : « instinct, intelligence, esprit, âme,  » etc., qui refusent autoritairement la liaison avec les phénomènes de la vie dans tous les organismes susceptibles d’offrir des réactions de sensibilité. L’imagination elle-même a trop longtemps reculé devant la conception qui paraissait appeler un effort au-dessus d’un Copernic, d’un Galilée, d’un Newton. Et pourtant, là même où l’imagination recule, le besoin de savoir peut encore risquer ses chances d’observation. Combien d’observateurs obscurs ont silencieusement porté l’ingratitude