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au soir de la pensée

physico-chimique réglant l’individuation progressive dans les développements qui vont suivre. Nous pouvons donc négliger les savants qui s’enlisent encore dans le machinisme animal de Descartes[1]. Les modifications spontanées des habitudes chez les insectes sont nettement établies. C’est le point capital,

Tout cela me dispense de m’engager à la suite de M. Bouvier dans ce qu’il appelle l’évolution des instincts parce que je n’ai pas besoin, pour déterminer l’évolution organique, de m’arrêter métaphysiquement à ce mot d’instinct sans détermination objective, avec lequel le distingué savant n’a pas osé rompre. Comme je l’ai indiqué plus haut, les phénomènes rassemblés sous la dénomination d’instincts sont des composés de tropismes automatiques et de réflexes de sensibilité progressive à des degrés divers de conscience dont la précision s’accroît au fur et à mesure de l’évolution. L’hérédité de l’accoutumance s’établit sans contestation possible. C’est ce que nous avons appelé l’hérédité des caractères acquis.

Malgré de beaux travaux, les phénomènes de l’hérédité sont insuffisamment éclaircis. L’engendrement par segmentation, qui est à l’origine de la reproduction, expliquerait aisément l’hérédité générale qui ne serait qu’une progression évolutive du processus organique. L’organisme dioïque succédant au monoïque ne peut changer les conditions élémentaires du phénomène de l’hérédité. La seule différence des organes sexuels juxtaposés ou séparés est au fond secondaire, puisque toutes parentés viennent se fondre dans l’œuf. Le problème de la répartition des hérédités parallèles ou croisées est singulièrement ardu pour nos moyens d’observation. La transmission des activités biologiques, où retentissent les ondes d’une morphologie atavique plus ou moins éloignée, nous la

  1. Uexhull : « Pour le biologiste, la psychologie animale ne saurait exister. Bethe accorde certaines aptitudes psychiques aux vertébrés, mais les refuse bizarrement aux animaux sans vertèbres, tandis que Lubbock met les fourmis au même rang que l’homme pour le degré de leur intelligence ». À quoi M. Bouvier réplique « qu’un animal fait preuve d’aptitudes psychiques lorsqu’il est en état d’apprendre et de modifier son comportement,  » ce qui n’empêche pas la mémoire associative de ramener le plus souvent l’insecte à l’automatisme originel.