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l’évolution

constatons d’évidence, mais les compositions de tout ordre, qui font le caractère de l’individu, sont jusqu’ici hors de notre portée. La principale inconnue est peut-être du moment reproducteur, indéfiniment variable, qui se résume en des combinaisons passagères d’ondes fugitives produisant telles prédominances ou tels affaissements.

Ce qui paraît établi, c’est que les acquisitions évolutives de l’apprentissage se transmettent héréditairement. Fabre a cité de nombreux cas d’insectes réagissant automatiquement aux pièges de l’expérimentateur, sans tenir aucun compte du résultat qu’ils paraissent avoir poursuivi : établissement d’un nid, disposition d’aliments pour la larve à venir, etc. C’est ce que l’excellent naturaliste de Sérignan appelle des « aberrations de l’instinct ». À quoi bon gratifier la bête d’un instinct déterminé, pour le voir défaillir aux premiers pas ? Combien plus simple de s’en tenir aux tropismes (positivement observés) en évolution vers les premières réactions plus ou moins confuses d’une sensibilité diffuse ou différenciée. Dès que ces « automates » sont susceptibles d’apprendre, et de léguer l’usage de ce savoir à leur progéniture, des parties de psychisme évolutif ne peuvent leur être contestées.

Dans un chapitre sur les habitudes intitulé : Psychologie comparative, M. Bouvier nous parle des pompilides piquant et paralysant des araignées, pour leur coller au flanc l’œuf qui fera la nourriture de la larve ; « Quelle est la voie suivie dans cette évolution ? Les manœuvres primitives devaient sans doute se rapprocher beaucoup de celles qu’observa Ferton sur un pompilide voisin du salius opacus[1] où les piqûres étaient données au hasard dans toutes les parties du corps, de la bouche à l’extrémité de l’abdomen… Il n’y a pas à s’étonner si le temps et la sélection ont amené certaines espèces à l’habileté supérieure du Calicurgus scurra. Entre ces deux extrêmes, les autres pompilides offrent tous les intermédiaires. » Il arrive même que certaines espèces collent simplement leur œuf au corps d’une araignée finalement dévorée par la larve ennemie.

Même variété selon les espèces dans les aménagements du nid, comme dans le parasitisme. M. Bouvier conclut que toutes

  1. Il y a près de mille espèces de pompiles. On en a observé une cinquantaine.