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Son front auréolé resplendit d’étincelles ;
Des éclairs fulgurants jaillissent de ses ailes ;
Et, quand son vol de feu rase l’éternité,
Le gouffre d’infini se remplit de clarté.


À ce cœur vaste, il faut la plus large

Poésie


J’admire, dédaigneux des vagues mélopées
Qu’entonnent nos rimeurs sinistres ou plaintifs
L’épanouissement des vastes épopées
Balançant leurs parfums dans les vents primitifs.

Les jeunes univers dilatés et sonores
S’abreuvaient de la vie, éparse dans les airs,
Et la virginité des naïves aurores
D’une lumière fraîche arrosait les cieux clairs.

Mais, quand je redescends vers notre crépuscule
Plein de gémissements mornes et violents,
Trouvant l’homme pervers, honteux et ridicule,
Dans l’immense avenir je m’engouffre à pas lents ;

Et, sur le Iong chemin de la cité nouvelle,
Pour marquer où passa mon pas de voyageur,
Je dresse quelque strophe, austère et solennelle,
Comme un Sphinx de granit immuable et rêveur.


La pensée du poète s’élargit avec l’extension du progrès ; c’est même une rupture avec les matérialistes. Écoutez, vous que vos aînés, du moins les loyaux et les clairvoyants, veulent guider et non pas entraver, écoutez cette page à la gloire de

La Pensée


Ah ! plaignons les esprits, sans lumière et sans ailes,
Qui se vautrent toujours dans la réalité.
L’azur de l’infini fatigue leurs prunelle ;
Éphémères, craignant les clartés éternelles,
Ces amis du mensonge ont fui la vérité.

Leur étroit horizon n’est rempli que de fange ;
Des meules de fumier bornent partout leurs yeux :
Parqués par le hasard, ils grouillent en mélange ;
Des saintes passions la sublime phalange
Ne peuple point leurs cœurs de rayons radieux,

Vous, esprits purs, planez ! Sinistre et désolée
L’humanité grelotte en ses manteaux usés :
Les dieux sont morts. La nuit dresse leur mausolée ;
Esprits purs, invoquez l’idée immaculée :
Elle rajeunira les hommes épuisés.