Cette fois les hommes se regardèrent et Saint-Flavien murmura :
— A voulu continuer sa route… Par la brume ? Quel est l’imbécile…
Un des aviateurs militaires prit la parole :
— Morez 56… Attendez donc… Mais oui, je ne me trompe pas… C’est l’appareil de Bertrand Guizel…
— Bertrand Guizel ! répéta Saint-Flavien. C’est vrai… On a signalé hier qu’il était parti de Toulouse. Mais on ignorait le but de son voyage… Ah ! Bien ! Il ne manquait plus que cela ! Si jamais il est arrivé malheur à celui-là…
— Bertrand Guizel est voué aux choses tragiques, observa un des aviateurs.
Tous se turent comme si ces mots avaient dû éveiller quelque part le mauvais destin. Tous se souvenaient de l’épouvantable aventure arrivée deux ans plus tôt à l’héroïque garçon, un des as de l’aviation civile.
Bertrand Guizel, riche, spécialiste des expéditions aventureuses s’était fiancé à une jeune aviatrice, Catherine Châtel-Kéké comme l’appelaient familièrement ses camarades. Ils avaient eu la fantaisie, avant que s’accomplît leur mariage, de réaliser un raid en Afrique. Partis de Tanger à trois, Guizel, Catherine et Marc de Brussieu leur navigateur, pour gagner le Gabon, ils n’étaient pas arrivés. Un accident les avait immobilisés dans la partie du désert mauritanien appelé ed Djouf, ils avaient été attaqués par des Maures. On avait retrouvé Guizel grièvement blessé à côté de l’avion percé de balles. Quant à Catherine et à Brussieu, ils avaient disparu. Longtemps, on avait supposé qu’ils avaient été faits prisonniers. Mais toutes les recherches, , toutes les expéditions avaient été vaines. Bertrand Guizel lui-même avait accompli depuis deux raids, à la recherche d’un indice, se refusant à croire que celle qu’il aimait n’était plus. Sans doute, il avait dû vouloir tenter une suprême tentative. Maintenant, où était-il ? Perdu dans le brouillard qui, de minute en minute devenait plus intense et, à Cap Juby comme sans doute sur tout le