Page:Cocteau - Le Coq et l’Arlequin.djvu/54

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fidèle ; mais il est utile de mettre nos jeunes compatriotes en garde contre les cariatides d’Opéra, ces grosses sirènes d’or déviant même un si formidable équipage. Je considère le sacre du printemps comme un chef-d’œuvre mais je découvre dans l’atmosphère créée par son exécution, une complicité religieuse entre adeptes, cet hypnotisme de Bayreuth. Wagner a voulu le théâtre ; Stravinsky s’y trouve entraîné par les circonstances. Il y a une marge. Mais s’il compose malgré le théâtre, le théâtre ne lui en donne pas moins des microbes. Stravinsky nous empoigne par d’autres moyens que Wagner ; il ne nous fait pas de passes ; il ne nous plonge pas dans la pénombre ; il nous cogne en mesure sur la tête et dans le cœur. Comment nous défendre ? Nous serrons les mâchoires. Nous ressentons les crampes d‘un arbre qui pousse par saccades avec toutes ses branches. Il y a dans la hâte même de cette sublime croissance quelque chose de théâtral. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre : Wagner nous cuisine à la longue ; Stravinsky ne nous laisse pas le