Page:Coeurderoy - 3 lettres au journal L'Homme.djvu/10

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dit, car je serais bien à plaindre si je n’avais su trouver d’autres raisons que celles que vous me prêtez à l’appui d’une thèse aussi simple, aussi juste, aussi féconde que la mienne.

— Je vous le répète, il n’est pas d’auteur qu’on ne puisse rendre ridicule et inintelligible en prenant un passage de ce qu’il a écrit, et en expliquant, bâchant, paraphrasant ce passage selon les besoins de la cause. Qu’est-ce donc, quand on ne cite rien, et qu’on dénature à plaisir, et que l’on sait qu’on dénature, et que l’on veut dénaturer ? Il est surtout facile d’altérer complètement de cette manière le sens de livres écrits, comme les miens, dans un esprit antinomique, anti-monopoliste et anti-national.

À titre d’ami, je vous ai adressé un exemplaire de mes deux publications, et certes vous êtes aussi capable que qui ce soit de juger. Ne me forcez point par vos réponses à croire que vous n’avez pas daigné lire. Prenez garde surtout, vous qui vénérez le public, qu’il ne vous accuse, avec toute apparence de raison, de vous prononcer sur des travaux que vous ne vous donnez pas même la peine de parcourir. C’est une grave atteinte à la réputation d’un journaliste, et vous tenez à la vôtre. Je crois donc que vous m’avez lu. Par conséquent, vous savez que je n’ai pas envisagé misérablement, unilatéralement, en simpliste enfin, une question aussi vaste et aussi profonde que celle de la Transformation humaine et du Croisement des races. Vous savez que j’ai fait la part de l’Idée comme celle de la Force, celle de la France comme celle de la Russie, celle de la Liberté humaine comme celle de la Fatalité divine, celle des Civilisés comme celle des Slaves, celle de la Répartition du sang par l’ordre qui s’établira comme celle de sa Transfusion par la guerre qui se fait, celle de la Germination et celle de la Gangrène, celle de la Minorité progressive comme celle de la Majorité borgne, celle de la Mort et celle de la Résurrection. Vous savez bien surtout que je n’ai blasphémé ni les morts de juin, ni la Révolution, grand Dieu ! ! Pour vous en convaincre, il vous suffisait d’ouvrir mon livre.[1] Bientôt vous lirez dans mes

  1. Ce n’est sans doute pas dans ce passage que j’ai blasphémé les morts de juin :

    " Dans Paris soulevé, il y aura encore des journées de juin et de décembre ; ce serait blasphêmer que de désespérer de cette minorité d’hommes de cœur qui, depuis quatre ans, soutient une lutte inégale, désespérée, au milieu d’une nation impassible, pourrie, sans dignité, sans conscience, sans honneur, au milieu d’une nation bourgeoise. "

    Ni dans celui-ci, j’imagine :

    " Ô Réaction bourgeoise, tartuffe surannée, sorcière salie, ridée, ensanglantée par l’insulte et l’outrage, mendiante au dos flexible, aux doigts crochus, à la voix fausse, juive sans religion, jésuite sans austérité, marchande sans crédit, voleuse sans courage, comédienne fatigante, qui donc arrachera ton masque ?"

    Si je voulais vous donner toutes mes preuves, il faudrait citer le livre entier.