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sa jeunesse.

tout artificiel, certains pays jouissaient d’un calme profond. Des institutions traditionnelles, incontestées, qui n’avaient été ni faussées, ni avilies, assuraient à chacun sa place. Quand la bonne fortune plaçait sur le trône un prince bienfaisant, exerçant avec justice ce gouvernement paternel qui était le principe de l’ancien régime, quand l’État n’était pas entraîné dans les grandes guerres qui ravageaient périodiquement l’Europe, le sort du peuple était enviable. Tel était le cas du royaume sarde dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. À cheval sur les Alpes, entre la France et l’Italie, il participait aux avantages de ces deux pays, dont il parlait les langues. Pendant les cinquante années qui précédèrent la Révolution, il vécut en pleine paix. Contrairement aux traditions de leurs ancêtres, Charles-Emmanuel III, puis, à partir de 1773, Victor-Amédée III s’appliquèrent avec succès à rester neutres dans les conflits armés entre les grandes Puissances. Ils s’occupaient de réformer l’administration. Sans écraser leurs sujets d’impôts trop vexatoires, ils faisaient tracer des routes, construire des ponts, établir des digues. En même temps, subissant plus ou moins consciemment l’influence de l’esprit de leur temps, ils s’efforçaient de supprimer les vestiges, encore si nombreux alors, de la féodalité. En 1762, l’affranchissement des personnes était décrété dans le duché de Savoie. En 1771, on mettait à l’étude l’affranchissement des terres frappées de droits féodaux. Au reste, les distinctions de castes, qui étaient