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joseph de maistre.

si marquées en France, étaient peu importantes en Savoie. Le clergé se recrutait dans toutes les classes : nombre de roturiers parvenaient à l’épiscopat. La noblesse était grossie constamment par des anoblissements d’hommes distingués, militaires, fonctionnaires et magistrats. Elle ne possédait pas la plupart des privilèges qui l’avaient rendue si impopulaire en France. Elle avait d’ailleurs une existence trop simple pour exciter l’envie du peuple, avec lequel elle restait en contact permanent. En somme, il faisait assez bon vivre dans l’ancienne Savoie, sous un gouvernement sage, qui maintenait chacun à sa place sans violenter personne. Les moins favorisés n’avaient pas trop de peine à se résigner à un sort qui n’avait rien de cruel. Les privilégiés jouissaient sans scrupule de conscience des avantages que leur conférait leur rang et que nul ne se serait avisé de leur contester. Aux yeux de la plupart des sujets savoyards du roi de Sardaigne, cette société profondément imprégnée de l’esprit religieux, rattachée par des liens séculaires à des princes le plus souvent justes et bons, présentait la forme normale de l’organisation des sociétés humaines. Certes il y avait des imperfections, des vices d’administration à corriger, des réformes à opérer ; mais, sur le fond des choses, tout le monde était d’accord. Joseph de Maistre partageait tout naturellement cet optimisme. C’était le fruit de son éducation, c’était le résultat de la silualiun qui lui était faite. Pour lui, la religion