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joseph de maistre.

à l’occasion d’un voyage de Victor-Amédée III en Savoie, et suivi, deux ans plus tard, d’une mercuriale sur la vertu. On lit dans le premier des phrases comme celle-ci : « La louange est un crime, quand elle se prostitue au vice ; elle n’est que ridicule lorsqu’on l’accorde à la médiocrité ; mais elle est le plus doux des devoirs quand elle est le prix de la vertu ». Et le jeune substitut loue chez le roi l’honnêteté de la vie privée, la pureté des mœurs, la bonté et l’affabilité paternelles. En même temps, il se montre animé d’idées libérales et parlementaires, dans le vieux sens du mot. Il se félicite de la suppression progressive des coutumes féodales. Il croit à la vertu des remonstrances du sénat de Savoie. Il ne veut pas le gouvernement des prêtres ; mais il veut que la religion soit prospère et honorée, car pour lui, déjà, « la religion est le plus puissant des ressorts politiques, le vrai nerf des États ». C’est pour cela que, s’il admet la liberté de penser (qu’il serait d’ailleurs malaisé d’atteindre), il n’admet pas celle de publier ce qu’on pense, quand on pense mal. Le discours sur la vertu respire le même esprit relativement libéral. Telles étaient les idées qui régnaient alors à Turin, que Joseph de Maistre, coupable de pareilles hardiesses, reçut un blâme de la Chancellerie. Chose curieuse ! il en porta toujours le poids. Certes jamais roi de Sardaigne n’eut de sujet plus fidèle, et jamais personne ne se montra dans la suite plus imbu que lui des principes d’autorité ; mais il était le moins courtisan des hommes. Il lui manquait déjà et il lui