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joseph de maistre.

tale religieuse de la Fiance, est aussi la ville où les doctrines mystiques s’acclimatent le plus facilement. Une étude de psychologie lyonnaise montrerait chez les hommes distingués de la région, avec une constante préoccupation morale, une imagination, interne en quelque sorte, qui pour être contenue n’est quelquefois que plus ardente. Ceux qui y joignent le sens de la vie pratique sont aptes aux grandes affaires et capables de s’élever très haut dans tous les ordres de l’activité humaine. Mais combien restent des rêveurs, des esprits chimériques, mal armés pour les luttes de l’existence, arrêtés dans leur essor par une certaine difficulté de concréter, empêchés de faire bien par la poursuite du mieux ! De pareils êtres sont une proie facile du mysticisme. Les illuminés que Maistre visitait à Lyon étaient disciples du juif cabbaliste portugais Martinez Pasqualis, qui fut le maître de Saint-Martin, le « Philosophe inconnu », auteur de l’Homme de désir. Ces « Martinistes » étaient chrétiens et, comme le fit longtemps Saint-Martin, ils observaient les pratiques de la religion catholique. Mais il leur fallait quelque chose de plus que le catholicisme traditionnel et banal. Ils rêvaient d’un christianisme supérieur. Ils croyaient qu’en s’inspirant des premiers chrétiens qui avaient vécu en contact avec Jésus, ils arriveraient à pénétrer les secrets de la nature, à approfondir la notion de Dieu, à se mettre en communication avec le monde des esprits. Maistre fut attiré par ces doctrines