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sa jeunesse.

séduisantes, qui satisfaisaient ses aspirations intimes, sans trop heurter sa foi.

La vertu de ces Martinistes lyonnais, leur douceur de caractère, le charmèrent à tel point que, trente ans plus tard, il se rappelait encore avec plaisir leurs réunions auxquelles il avait assisté. Il étudia les écrits de leur chef Saint-Martin, et lui emprunta, dans l’ordre social et dans l’ordre métaphysique, beaucoup plus qu’on ne le pense communément. Le « Philosophe inconnu » était d’ailleurs une des plus attachantes figures de son temps. Ayant quitté l’armée pour s’adonner tout entier à l’étude et à la méditation, plein de douceur et d’originalité, il exerçait une grande séduction personnelle. Quand il alla s’établir à Paris, il y fut fêté dans le monde des salons élégants. Aux femmes vivant dans un milieu démoralisé et pervers, aux hommes blasés par le sarcasme et l’ironie voltairienne, il plaisait par une grâce naïve, par la simplicité du cœur. C’est moins par l’action directe — il n’eut pas l’occasion de le fréquenter beaucoup — que par ses écrits qu’il séduisit Joseph de Maistre. Celui-ci n’admettait pas la raillerie sur les conceptions abstruses de Saint-Martin. Quand parut l’Homme de désir qu’il admirait beaucoup, sa sœur, Mlle Thérèse de Maistre, se permit de formuler dans une lettre quelques objections au nom de l’orthodoxie et aussi du sens commun, à propos notamment de ces théories des nombres, conceptions puériles, sous des apparences de profondeur, qui ont troublé bien des cerveaux