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joseph de maistre.

gendres les comtes de Provence et d’Artois, qui le compromettaient, lançait des foudres impuissantes qui le discréditaient sans pouvoir le sauver.

En 1792, au premier prétexte que le roi Victor-Amédée se chargea de fournir, l’invasion de la Savoie fut décidée. Pendant que l’armée royale passait précipitamment les monts, les troupes françaises du général Montesquieu se répandaient dans les villes et les villages. Le plus grand nombre leur faisait fête par sympathie, les autres par engouement ou par peur. Le comte de Maistre n’était accessible à aucun de ces sentiments. Il partit avec tous les siens. Mais, quelque temps après, parut un décret ordonnant aux émigrés de rentrer, à peine de confiscation. Mme de Maistre, effrayée pour ses enfants de cette perspective redoutable, revint à Chambéry. L’ancien sénateur l’y suivit et se laissa même enrôler dans la garde nationale.

Le changement qui s’était opéré soudain dans les esprits le frappa vivement. Sur un petit cahier où il notait parfois ses impressions, il inscrit, le 20 janvier 1793, ces mots prophétiques empruntés à Virgile :

Novus rerum nascitur ordo.

« Je monte ma première garde à la maison commune, écrit-il quelques jours plus tard, sur le même calepin. Une belle question serait de savoir si je monterai la deuxième. » Un secret instinct lui faisait comprendre que cet état de trêve entre l’auto-