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Page:Cogordan - Joseph de Maistre, 1894.djvu/37

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les années d’émigration.

rité révolutionnaire et lui ne pourrait pas durer. Il refusa de payer l’impôt de guerre levé sur la Savoie, déclarant hautement qu’il ne donnerait pas d’argent pour combattre l’armée royale, dont ses frères faisaient partie. Cette attitude le rendit suspect. Des miliciens vinrent opérer une perquisition chez lui. Il doit fuir de nouveau en toute hâte, au moment où Mme de Maistre venait de mettre au monde un troisième enfant, sa fille Constance, qu’il ne devait revoir qu’après plus de vingt ans. Il prit le chemin de la Suisse et s’établit à Lausanne, où sa femme, son fils Rodolphe et sa fille Adèle le rejoignirent successivement.

II

Lausanne avait été pendant une grande partie du dernier siècle un centre fort intéressant de culture intellectuelle. Quelques débris de la société qui avait gravité jadis autour de Mme Necker subsistaient encore en 1793. Parmi eux était l’illustre Gibbon, qui, comme tant de ses compatriotes, avait passé sa vie presque tout entière hors de son pays. Maistre eut ainsi l’occasion de fréquenter l’historien sceptique, l’apologiste de Julien l’Apostat, l’adversaire de tout ce qu’il vénérait le plus. C’était cependant pour lui une bonne fortune que cette rencontre : mais Gibbon partit bientôt pour l’Angleterre et y mourut. Maistre, pour qui causer était une habi-