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Page:Cogordan - Joseph de Maistre, 1894.djvu/38

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joseph de maistre.

tude lude et un besoin, s’était créé des relations parmi les habitants les plus distingués de la ville, auxquels se joignaient quelques émigrés français, pauvres gens naïfs qui se croyaient toujours à la veille de rentrer en possession de leurs biens, quelques Savoyards, ayant mis le lac de Genève entre eux et l’autorité française. Au nombre de ces derniers était la famille du marquis Costa[1], un ami intime de Maistre, officier dans l’armée du roi. Le soir, on se réunissait pour échanger les nouvelles reçues, pour se communiquer ses espérances ou ses craintes. Maistre était l’âme de ces réunions. Le chagrin, les privations, les inquiétudes du lendemain n’altéraient pas sa sérénité, ou plutôt telle était sa mobilité d’impression que dans les pires moments la moindre distraction lui rendait sa belle humeur. Un court séjour que Necker et sa fille firent à Lausanne, pendant qu’il y demeurait, lui fut une diversion précieuse. Mme de Staël le charma par l’éclat de sa conversation et la profondeur de ses idées. Mais ni lui ni elle n’aimaient beaucoup écouter. Un jour que l’auteur de Corinne parlait, Maistre s’endormit, éprouvant pour la première fois l’inconvénient d’une légère infirmité qui s’aggrava plus tard — des accès instantanés de sommeil, — dont ses ennemis abusèrent souvent pour le desservir.

  1. Le marquis Costa dont il est ici question est celui dont le petit-fils, le marquis Costa de Beauregard, a fait revivre le souvenir dans un de ses livres les plus remarquables (Un homme d’autrefois).