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Page:Coignet - Aux Vieux de la vieille, 1853.djvu/17

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pieds dans ses jambes de derrière, ma tête sur son cou. — Mais, vers deux heures du matin, mes six bœufs se levaient sans bruit, et mon camarade se levait aussi sans que je le sentisse. — Quand le pauvre pâtre se réveillait, il ne savait de quel côté trouver ses bœufs au milieu des ténèbres. — Je remettais mes sabots et je prêtais l’oreille. Je m’acheminais du côté des jeunes bois, et, les ronces faisant couler mon sang dans mes sabots, je pleurais. Mes pieds étaient déchirés jusqu’aux nerfs. — Souvent, je rencontrais des loups sur mon passage et voyais leurs prunelles briller comme des charbons. — Mais le courage ne m’a jamais abandonné. — Quand je retrouvais mes bœufs, je faisais le signe de la croix : combien j’étais heureux ! je ramenais mes déserteurs vers mes trois voitures, qui étaient chargées de moulée. Là, j’attendais mon maître pour partir au port. Puis, comme je l’ai dit, je revenais au pâturage. C’était alors que je recevais ma miche, et toujours mes deux œufs aux porreaux et à l’huile de chenevis.

Je ne rentrais à la maison que le jour de la Saint-Martin, où l’on me faisait l’honneur de me donner un morceau de salé : et je m’installais dans la paille, avec de la vermine plein mes vêtements.

Cette vie dura trois années. J’étais rebuté. Je quittai le village malgré toutes les instances qu’on fit pour me garder.

Il y avait bien longtemps que j’avais abandonné mon pays ; je n’étais plus reconnaissable. J’eus l’idée de re-