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Page:Coignet - Aux Vieux de la vieille, 1853.djvu/18

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venir à mon lancé : et je partis pour Druyes, où personne ne songeait à l’enfant perdu.

J’arrive un dimanche. — Je vais voir ces belles fontaines qui coulent près du jardin de mon père. Je me mets à pleurer ; mais, étant déjà plus fort que l’adversité, je prends mon parti. Je me débarbouille dans les eaux limpides, et je visite ces lieux où naguère je me promenais avec mes frères et ma sœur.

La messe sonne. — Je m’approche de l’église, mon petit mouchoir à la main. — J’avais le cœur bien gros. — J’entre, je me mets à genoux et dis ma prière, regardant à la dérobée. Personne ne faisait attention à moi. Pourtant une femme me remarqua en passant : Voilà un petit morvandiau, dit-elle, qui prie le bon Dieu de grand cœur. — J’étais si changé que personne ne me reconnut. — Pour moi, ce n’était pas la même chose : je vis bien mon père qui chantait au lutrin. Il ne se doutait pas qu’il y avait là, près de lui, un de ses enfants qu’il avait abandonné.

Je sortis de la messe sans rien dire, et comme j’avais fait plusieurs lieues le matin, que j’avais grand besoin de manger, je me dirigeai chez ma sœur du premier lit qui tenait une auberge.

Je lui demande à dîner. — Que veux-tu, mon garçon ? me dit-elle. — Donnez-moi, s’il-vous-plait, une demi-bouteille, du pain et un peu de viande. — On me sert un morceau de ragoût, dont je mange comme un ogre, et, du petit coin où je m’étais mis, je regarde