séparé de celui de mon beau-frère que par une petite haie sèche. Il me regarde, j’ôte mon chapeau ; j’avais le cœur bien gros, mais je tins ferme. Il me parle et me dit : Tu es donc chez mon gendre ?
— Oui, monsieur.
— D’où es-tu ?
— Je suis du Morvan, de Menou ; je servais au village des Bardins, et je connais tout le pays.
— Alors tu connais le village des Coignets ?
— Oui, monsieur.
— Eh bien ! il a été bâti par mes ancêtres.
Nous causimes ensuite des bois de Mme de Damas, du gibier qui s’y trouvait. Il m’exhorta à me bien conduire chez son gendre et s’en alla. À partir de ce moment, je le revis tous les jours en faisant ma besogne.
Ma nouvelle condition était assez avantageuse. Je recevais de bons pour-boire. — Chaque semaine me rapportait au moins six francs. — Je finis par me débarrasser de ma vermine. — J’achetai des vêtements pour le dimanche. — J’étais propre et content.
Mais une chose me tourmentait. Je ne voyais plus mon petit frère et ma pelite sœur, les plus jeunes. Qu’étaient-ils devenus ?
J’avais, au contraire, retrouvé mes deux camarades d’enfance, qui demeuraient à côté de la maison de mon père, porte à porte. — Comme j’étais moins âgé qu’eux, je les saluai quand je les vis, sans me faire connaître. — Un jour, ils vinrent au jardin ; je bêchais et mon