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Page:Coignet - Aux Vieux de la vieille, 1853.djvu/81

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couture. Mais heureusement les hostilités avaient cessé. Mélas nous avait abandonné quarante lieues de pays, et des vivres, des munitions, des bagages en abondance extrême.

Notre brigade suivit la dernière colonne des Autrichiens, comme si elle était destinée à fermer leur marche ; nous faisions route ensemble et nos écloppés montaient sur leurs charriots. À la couchée, nous occupions la moitié du village et eux l’autre moitié, ceux-ci à droite de la route, ceux-là à gauche ; nous étions les meilleurs amis du monde.

Nous arrivâmes dans cet ordre jusqu’au pont volant jeté sur le Pô et là nous vîmes un spectacle hideux. Nos maraudeurs étaient entrés dans un château et avaient pris l’argenterie qu’ils y avaient trouvée. Une cantinière la leur avait achetée. Le maître du château, qui avait aperçu les soldats déposant leur butin dans le tablier de cette femme, monta à cheval, vint près du colonel et lui signala la recéleuse. Elle fut condamnée à être tondue, et promenée toute nue sur son âne devant le front du régiment. La punition fut immédiatement appliquée. Huit militaires conduisaient l’âne et la patiente. C’était pitié de la voir, pleurant et tremblant. Le maître du château demandait grâce pour elle. Mais le soldat rit de tout. Au bout de quelque temps, la honte, l’émotion la fatigue produisit sur cette malheureuse l’effet le plus désastreux. Elle inonda tout le dos de son âne. Les conducteurs, qui certes ne craignaient pas l’odeur de