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— Elle a trois jours d’existence, murmura un des Espagnols.

— Emportez-la sur la table du noble marquis ! s’écria le négociant.

— Si demain on nous traite de la sorte, nous déserterons tous l’hôtel, reprit gravement l’employé du chemin de fer de Toulouse.

Les deux garçons ont-ils revêtu une livrée pour servir M. le marquis ? demanda le négociant aux deux servantes.

— Non, Monsieur, ils ont gardé leurs vestes, répondit naïvement une des jeunes filles.

L’hilarité avait gagné tous les convives ; la jeune mère anglaise et l’énorme Italienne riaient de nous voir rire ; jamais dîner ne fut plus gai. Nérine se monta au ton général, et dit tout à coup avec un geste désespéré :

— Messieurs, vous vous plaignez d’un mauvais dîner et vous ne me plaignez pas, moi qui suis abandonnée par un infidèle !

— Oh ! madame, nous serions bien heureux de le remplacer ! repartit galamment le magistrat de Pau.

— Le remplacer, monsieur, y songez-vous ! remplacer ce fougueux écolier de dix-huit ans, imberbe mais bourgeonné, qui m’enveloppait en tout lieu de sa présence.